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30 mai 2009 6 30 /05 /mai /2009 17:34

01/05/09

Bonne fête.

 

Dès la sortie de Yaoundé débute la forêt équatoriale qui se prolongera jusqu'au Gabon. Les zones frontalières sont propices à la multiplication des contrôles routiers. Au Cameroun on peut se faire arrêter cinq fois successivement. La gendarmerie, la police, la douane, le contrôle forestier et la sécurité routière, ces derniers étant les pires car ils font tout pour vous trouvez une infraction quitte à en inventer si vous êtes absolument en règle et en définitive vous proposez "un arrangement". Heureusement ils ne sont pas armés et quand il n'y a pas de clous ( planche de bois plantée de clous posée en travers de la route), je ne m'arrête pas.

J'ai déjà évoqué l'importance de la corruption partout en Afrique mais particulièrement au Nigéria et au Cameroun où la demande du cadeau est quasi permanente.

Un contrôle ressemble à peu près à ceci:

- Bonjour, comment ça va ? gendarmerie nationale district de .. vos pièces s'il vous plaît ( les pièces sont les pièces d'identité).

Cette étape peut être facultative.

-          Bonjour, ça va bien. Les voici.

-          Bien, vous savez nous on est là pour assurer votre sécurité et veiller sur vous.

-          Je vous en remercie grandement.

-          Mais il fait très chaud et nous on reste là, on a soif.

-          Je comprends, c’est vrai qu’il fait très chaud.

-          On est donc là pour vous, pour que tout se passe bien et aussi vous souhaiter la bonne année      ( on est le 14 avril)

-          Bonne année à vous aussi et joyeux noël.

-          Alors qu’est-ce que vous avez pour nous

-          Tout mon respect et mes remerciements.

-          Rien à boire ?

-          De l’eau, je ne bois pas d’alcool.

-          Ah mais patron, c’est difficile tu sais.

-          Je sais, la vie est dure et il vous faut beaucoup de courage alors je vais vous souhaiter une bonne journée.

Je lui tends la main en souriant. Il rit aussi et me laisse passer.

 

 

 

 

 

 

Un pont relie depuis 2005 les deux berges du Ntem qui marque le frontière entre les deux pays. Les formalités de police et de douane sont très rapides. Renseignement pris à la frontière du Cameroun, en venant du Gabon, le visa peut être délivré à cet endroit et dans le nord du Cameroun, on pourrait faire viser son entrée au poste frontière et valider ensuite le visa à l'émigration de Maroua ou de Garoua.

 

ça y est me voici au Gabon, le pays où la vie est plus chère. Petite séquence émotion de retrouver ce pays vingt ans après.

Dès le passage de la frontière, le ciel est magnifiquement bleu, les gens saluent mon arrivée, les gendarmes penchent un peu la tête pour voir qui conduit et m'ouvre la barrière ( avec toute la lenteur d'usage) et me laisse passer sans rien me demander, je suis proche de la béatitude. La route est parfaitement goudronnée jusqu'à Oyem où je m'arrête au Mvet palace ( très bien). Il est très agréable de ne pas à avoir à subir en permanence cette pression des contrôles routiers intempestifs et quémandeurs  et le Gabon justifie sa réputation de pays paisible.

 

De ma fenêtre à Kango, je voyais en bas le fleuve, plus loin l’immense étendue de la forêt et au fond les monts de cristal. Plutôt que de prendre la route directement pour Lambaréné, je choisis de faire un détour par ces montagnes pour rejoindre ensuite la nationale qui va de Libreville à Kango. La piste jusqu’à Sam est praticable mais cassante. Elle devient ensuite très roulante jusqu’à Médouneu puis Kougouleu. Paradoxalement c’est lorsque la piste est bonne qu’elle est la plus dangereuse car on a tendance à prendre de la vitesse et étant recouverte d’une sorte de graviers de terre rouge, les virages un peu accentués se font avec une adhérence très limitée. Je me suis fais ainsi une paire de « tout-droit » dans les fougères, heureusement sans gravité.

 Je reste toujours surpris par l’isolement de certains villages, étonnement constant à travers tous les pays traversés, dans le désert, la savane, le sahel et ici la forêt. A peine accessibles par la piste, éloignés et ignorants de notre monde, ces villages demeurent figés dans leur élément par choix ou par nécessité et interpellent notre, mon besoin de toujours découvrir la forêt derrière l’arbre et l’horizon au fond de l’océan.

Ces gens là ne sont pas d’un autre monde, d’une autre époque, d’un autre temps.

Ils sont là.

Venus ou poussés par des guerres, des famines, des évènements climatiques.

Jusqu’au jour où l’Histoire, leur histoire, les mènera ailleurs.

La vie est dure.

Je les salue. Ils me saluent.

Je leur souris. Ils me sourient.

Je ne fais que passer.

 

La route de Libreville à Kango s’est considérablement dégradée en vingt ans. J’y arrive vers 18 heures, le temps d’un rapide tour de la petite ville. L’hôtel Assok est fermé, il y a une nouvelle mairie, la résidence du préfet est une superbe villa à peine visible derrière son immense mur d’enceinte. Et puis ….

Je me perds !!

Des choses insignifiantes me reviennent, mais je ne retrouve plus la route !

Enfin je suis au pied de la petite colline sur laquelle est posé le centre médical où j’ai travaillé dans mes plus jeunes années. La piste qui y mène est au moins aussi défoncée qu’à l’époque et traversée d’une profonde ravine qui rend l’ascension impossible sans 4X4. J’entends soudain sur ma droite par la vitre ouverte : «  Dr FLAMEN ??? » . Je tourne la tête.

« C’est bien le Docteur FLAMEN ? « 

Je reste bouche bée pendant quelques secondes avant de pouvoir répondre :

«  Amélie !!! »

,Nous nous sommes reconnus dans l’instant. Quelques années et six enfants plus tard, notre jeune femme de ménage fait toujours son office auprès du médecin actuel, on s’embrasse, on évoque rapidement les gens qui travaillaient au centre, je reviendrai demain matin, la nuit approche, il fait déjà bien sombre. Une silhouette descend la pente du centre médical d’une démarche caractéristique, un peu hésitante, un peu claudicante, un prénom me revient immédiatement : Pierre ! le manœuvre du centre qui passait théoriquement ces journées à couper les herbes en compagnie d’Antoine, décédé maintenant, mais que je surprenais à longueur de journée à boire du vin de palme avec son acolyte. Je l’appelle, oui oui il se souvient de moi, mais vu sa cataracte bilatérale et son état de délabrement je doute fort de l’authenticité de ses souvenirs. Il fait le tour de la voiture et doucement pour pas qu’Amélie n’entende :

«  Docteur, t’aurais pas un whisky-coca ? « 

Rien ne change.

 

               Le lendemain, après une dernière visite au centre où je retrouve Céline, une des deux matrones de la maternité je prends enfin la route pour Lambaréné, toute goudronnée maintenant, je passe l’équateur, reconnais les villages où j’avais des dispensaires, les bidons et les étals où l’on vend la viande de brousse sont toujours là, les publicités pour une marque de réseau de téléphone portable ont envahi les boutiques comme partout en Afrique, et j’arrive au bout de 16000 kilomètres à l’hôpital Schweitzer où je vais me poser pendant cinq mois, entre le fleuve et la forêt.

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