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1 mars 2019 5 01 /03 /mars /2019 15:35

 

 

 

 

La Ngounié est un fleuve paisible qui irrigue le sud et vient se jeter dans l’Ogooué à quelques encablures en amont de Lambaréné. J’avais eu l’occasion en 2016 de faire le parcours en kayak depuis la mission de Sindara jusqu’à l’hôpital Schweitzer en une journée et demie. Nous avions passé la nuit sous la tente, dans un campement de pêcheurs. Le hasard a voulu qu’un vieux papa vienne me voir il y a quelques jours avec son petit-fils, un gamin de 13 ans, trisomique, abandonné par ses parents, non déclaré donc sans papiers et sans couverture sociale, tuberculeux. Je lui ai donné le traitement. C’est alors que le papa me déclara qu’il me connaissait. « Vous avez dormi chez moi, enfin sur ma parcelle, avec votre bateau rouge, il y a 2 ou 3 ans, en venant de Sindara. Dr Arnaud, je me souviens ».

Le long du fleuve et dans les lacs vivent dans de petits villages ou  campements des populations isolées. Le plus souvent démunies et selon le degré d’éloignement, étrangères aux formalités administratives. On y trouve parfois un dispensaire, sans infirmier et sans médicament, une école, sans instituteur. On peut y vivre, de la pêche et de la chasse, de quelques plantations. Toute une vie, sans savoir lire, sans ressources et sans pouvoir se soigner autrement que par les remèdes indigènes. On peut y mourir, sans avoir jamais existé statistiquement, sans assurance maladie, sans pouvoir soigner une hernie étranglée, un vilain ulcère qui traîne, un paludisme avec anémie qui aurait nécessité une transfusion.

Alors on vient à Schweitzer parce qu’on y soigne d’abord et qu’on discute après.

Ou Schweitzer vient à eux, par le biais de la santé communautaire, vaccinations, pesées des enfants, éducation nutritionnelle, premiers soins, parfois rapatriement à l’Hôpital.

C’était comme ça jusqu’à maintenant. Désormais, peut-être plus pour très longtemps…. On dira bientôt c’était comme ça avant. Mais c’est une autre histoire.

J’ai dormi dans ces campements, j’ai pagayé le long de ses rivières et de ces fleuves, j’ai visité des villages dans les lacs Azingo, Zilé, Onangué, je me suis perdu dans la forêt. Je suis allé chez les ngangas là-bas sur la piste, ou chez les pygmées au fond de la forêt, j’ai vu les cases abandonnées par ce qu’on appelle pudiquement l’exode rurale, la vie trop dure, les enfants qui meurent faute de soins et j’ai vu en même temps le désarroi de ceux qui ont rompu le fil qui les retenait à la terre ou à l’eau.

 

Mais je veux aller encore plus loin, là où l’humanité n’existe pas ou qu’elle a juste survolé, je veux voir des écosystèmes sans homosystèmes.

Nous avons pu tester sur la portion Lopé-Ndjolé, pendant deux jours, cette nature peu accommodante qui par ses rapides et ses rochers, découragent l’installation humaine. Les multiples tourbillons fantasques et désarçonnants entretiennent le mythe des génies du fleuve qui engloutissent les audacieux. Mais nulle part la nature n’y est plus belle, plus imprévisible, plus imaginative, plus talentueuse.

 

Faut-il toujours se perdre pour mieux se retrouver ?

Faut-il toucher ses limites pour mieux se connaître ?

Faut-il aller dans l’inconnu pour mieux s’explorer ?

 

Lopé-Ndjolé au fil de l’Ogooué fut une plénitude totale, sans village, sans pirogue, sans humanité, simplement accompagnée par la vision parfois lointaine de la route ou de la voie ferrée. L’Ogooué y est à son apogée, murmurant ses tumultes au travers des rochers, des bancs de sable, des troncs abandonnés, d’une végétation opportuniste et délurée.

 

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La bifurcation d’Oyenano se situe à 80 kms environ de Lambaréné, sur la route qui mène vers le sud du Gabon : à gauche on se dirige vers Sindara et sa célèbre mission, et plus loin, en traversant la Ngounié vers Ikobey, maintes fois évoqué. A droite, on rejoint Fougamou. A mi-chemin entre Oyenano et Fougamou, une piste conduit vers les chutes de l’Impératrice, seule voie normalement accessible.

La Ngounié poursuit une descente tranquille, presque verticale sur la carte, du sud au nord. Excepté sur un court tronçon, à partir de Fougamou où elle s’horizontalise jusqu’à Sindara. Ce changement de direction est pour elle l’occasion de formuler le dénivelé qui l’amènera ensuite en douceur jusqu’à l’Ogooué. Fougamou s’est construite au bord et au terminus de cette langueur où elle baigne depuis Mouila. Les chutes de Fougamou sont visibles de la route, maintenant goudronnée. Ce sont des rapides, en apparence anodins, qui semblent accessibles. Ils séparent le fleuve en deux puis se rejoignent derrière une île qui masque leur devenir.

A cinq kilomètres en aval se trouvent les chutes de l’Impératrice.

Elles furent nommées ainsi par Du Chaillu qui fut le premier à atteindre la Ngounié à Fougamou grâce à des financements de Napoléon et d'Eugénie l'Impératrice.

 

23 juillet, 2012

"Dans le cadre de l’augmentation de sa production électrique, le Gabon a reçu de la Banque africaine de développement un prêt 57 millions de dollars. Le pays ambitionne en effet de porter sa puissance installée, actuellement de 370 MW, à 1200 MW à l’horizon 2020.

Plus précisément, cette enveloppe est destinée à la mise en œuvre des deux projets hydroélectriques de la Compagnie de développement des énergies renouvelables (Coder). Le premier barrage sera construit au niveau des chutes de l’Impératrice, sur la rivière Ngounié, et devrait produire 70 MW. [ ] Les deux projets dont la livraison est prévue dans 2 ans, permettront à la fois de soutenir la fourniture électrique du pays mais aussi de sécuriser la fourniture en zone rurale". ( extrait de presse).

Je m'empressais dès l'été 2012 d'aller visiter ce site naturel avant qu'il ne soit bétonné.Le projet avait été inauguré en grande pompe, une tribune en bois avait été construite au milieu d'un vaste terre-plein dégagé pour l'occasion. Des banderoles subsistaient encore et du haut des marches, on pouvait admirer ce soubresaut de la Ngounié. En saison sèche le fleuve est au plus bas. Des gamins faisaient la traversée sur de petites pirogues en bois pour accéder à la principale chute en face où ils allaient attraper des écrevisses.

 

Chutes de l'Impératrice,

 

Chutes de Sindara.......

 

L'idée de relier les trois chutes au fil de la Ngounié commença à germer.

 

 

 

Des retards dans l'exécution des travaux allaient m'aider:

                                     

"Les travaux de construction du barrage de l’Impératrice Eugénie toujours au point mort

Date: dimanche 22 juillet 2018

Libreville, 22 juillet – Les travaux du barrage sur les chutes de  l’Impératrice, prenant sa source du fleuve Ngounié, dans le département de Tsamba Magotsi (Fougamou), sont toujours au point mort, après un début d’exécution il y a 4 ans.

 Lancé en  1974, le projet a toujours connu des fortunes diverses qui l’ont retardé jusqu’à maintenant.

Le projet devenu « national », semble ne plus redémarrer pour vraisemblablement les problèmes de financements.  Il y a deux ans, le gouvernement a sollicité les financements  inhérents à  Exim bank (banque chinoise). Le coût global pour la réalisation dudit  projet est évalué  à 80 milliards de  francs CFA.

Les avancées enregistrées pour la mise œuvre enfin de ce projet résultaient des échanges ayant débouchés sur un accord  entre le président Ali Bongo et son homologue chinois Xi Jinping, lors du sommet Chine-Afrique qui s’était tenu en Afrique du sud du 4 au 5 décembre 2015.  Un sommet dont la problématique portait sur l’aide de la Chine aux pays africains.

Ainsi, l’accord économique signé entre les deux parties prévoyait le financement des projets structurants dont celui du barrage de Fougamou considéré comme prioritaire. Cet accord a été peaufiné lors de la tenue le 27 au 29 janvier 2016 à Libreville  de la 4ème session de la Commission Mixte de coopération entre le Gabon et la Chine." ( extrait de presse)

 

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                Petite saison sèche, janvier 2019, le temps était venu de passer aux choses sérieuses:

             

                                            Olivier et Jérôme alias Eric et Ramzy alias Averell et Bruce.

 

Samedi , premier jour de la mission exploratoire:

1- le chemin qui mène aux chutes est-il encore accessible? 

2- Bruce et son drone peuvent-ils nous éclairer sur ce qui se passe après la première chute?

Nous avons la réponse à la première question après quelques kilomètres de piste: NON

 

                                 Mais comme mes camarades de jeu, eux, ne se laissent jamais abattre...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                        On finit par y arriver.

 

Nous laisserons cependant la voiture à quelques centaines de mètre du site, la végétation durant ces cinq dernières années ayant repris tous ses droits. De la plateforme ne subsistent que quelques poutres et planches rongées par les termites et l'humidité. Quand à la seconde question, le drone filmera les chaussures de Bruce pendant dix minutes mais refusera obstinément de décoller. Ce qui maintiendra encore un peu plus le mystère et les questions sur une vision de l'ensemble des chutes.

 

Dimanche.

 

Nous avons passé la nuit à Fougamou et le matin nous décidons de faire au moins le trajet en kayak Fougamou-chutes de l'Impératrice tandis que nos comparses nous rejoindront en voiture, maintenant que la voie  est ouverte.

Ce parcours de 5 kilomètres nous éloigne rapidement de la civilisation et les rapides empêchent les pirogues d'accéder à cette portion du fleuve. Nous ne sommes qu'à quelques kilomètres de la route mais le relief accidenté nous transporte déjà dans un monde préservé.

Nous rejoignons l'équipe pour la pause du midi aux chutes de l'Impératrice.

Normalement, à ce moment-là, nous devrions dégonfler les kayaks, reprendre la voiture et aller visiter la mission de Sindara.

Normalement on devrait s'arrêter là car une île boisée nous cache la suite du programme, même si le fleuve sur la gauche  se prolonge en rapides abordables qui semblent contourner la chute.

Normalement, selon les lois de la gravité, des vases communicants et du robinet qui fuit,  le dénivelé du niveau d'eau des rapides à gauche devra rattraper à un moment ou à un autre celui de la chute principale à droite

C'est ainsi que tout à fait normalement nous donnons rendez-vous à nos amis aux chutes de Sindara, eux en voiture, nous en kayak.

Les premiers rapides, sans difficultés, nous permettent de contourner l'île et de nous trouver immédiatement confronter...à une autre chute, tout aussi infranchissable.

 

Le problème c'est que nous ne pouvons revenir en arrière, de toute façon nos compagnons sont déjà partis, il n'y a pas de réseau téléphonique, et normalement nous n'aurions pas du nous trouver là.

Il ne reste qu'une solution: mettre pied à terre, hisser nos kayaks le long de la pente très abrupte, et se frayer un chemin dans la moiteur du milieu de journée d'une forêt équatoriale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De pénibles efforts nous amèneront après une longue distance, au bas de la chute. Nous pouvons remettre nos kayaks à l'eau...pour une courte durée car une nouvelle chute se précise. Il nous faut à nouveau porter nos embarcations mais cette fois-ci la forêt est plus claire et le dénivelé moins abrupte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parvenus au bas de cette dernière, nous comprendrons enfin la géographie des chutes de l'Impératrice: elles se composent de trois chutes successives qui s'enroulent dans le creux d'une boucle de la Ngounié.

 

                                                 et l'impossibilité de les parcourir avec nos kayaks.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Passé ce formidable obstacle, la navigation dans les rapides semblent ensuite facile. Nous pouvons à nouveau nous concentrer sur la beauté du paysage, succession d'îles où chaque végétal se dispute le moindre centimètre carré,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

tout en se méfiant des rochers émergents sur lesquels le kayak gonflable peut se trouver suspendu. 

 

C'est en voulant me dégager d'un de ces amas rocheux que je perdrai ma dérive ce qui rendra la suite de la navigation un peu pénible. 

 

 

Il faut parfois se poser pour analyser les passages les plus appropriés, en comptant uniquement sur nos impressions, en partageant nos intuitions, en estimant la violence du courant, en décryptant le profil de la succession de rochers et .......en comptant beaucoup sur la chance, puisqu'il n'y a pas eu de navigateurs depuis fort longtemps sur cette portion du fleuve.

 

 

 

 

 

 

                         Il y a aussi les belles surprises, fugaces, mais tellement réjouissantes.

Comme la rencontre rare d'une grosse loutre à jours blanches faisant ses ablutions sur une roche plate.

 

 

 

 

Nous arriverons enfin, un peu exténués, vers 18 heures aux chutes de Sindara où nous accueillent nos amis qui nous ont patiemment attendus ( le rendez-vous étaient à 14 heures...).

Merci à eux sans qui la réalisation de ce vieux projet n'aurait pas été possible.

 

 

 

Nous avons franchi une étape supplémentaire dans l'exploration des cours d'eau gabonais en repoussant un peu plus loin les critères d'accessibilité.

La prochaine sera proche de l'extrême.

 

 

 

 

 

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commentaires

A
bonjou svp qui est l'auteur de cet article?
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M
arnaud.flamen@live.fr