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22 décembre 2012 6 22 /12 /décembre /2012 17:30

DSCN0773

 

Marcelle est arrivée dans le service de pédiatrie de l'hôpital Schweitzer le 02 septembre 2012. Elle n'avait plus que des lambeaux de peau sur le corps et la tête.

Le signe de Nikolski permet de définir les dermatoses bulleuses. La peau se décolle sur une simple pression du doigt. Bientot elle n'eut plus un espace de peau saine. Son corps était un écorché vif. On ne savait plus comment la prendre sans la blesser, comment lui poser des perfusions pour lui apporter le liquide et les minéraux indispensables, comment la réchauffer. Car sans peau le corps n'est plus étanche et les déperditions liquidiennes sont abondantes, sans peau le moindre courant d'air est un supplice.

 La bouche et le tube digestif étaient également lésés.Elle ne pouvait rien avaler.

Le contact des draps était insupportable et collaient sur ses tissus dénudés. On a trouvé dans la réserve des arceaux en demi-cercle sur lequels on a posé les draps et des couvertures. On lui a mis une sonde de gavage et une sonde urinaire. Elle ne pouvait ni se tenir debout, ni s'asseoir.

Elle est restée des semaines ainsi, allongée dans le noir, calfeutrée tête comprise sous sa grotte obscure, avec pour seule ouverture un mince entrebaillement lui permettant de respirer;

Chaque séance de soins était une torture malgré les antalgiques.

Elle avait froid, tellement froid. Il fallait décoller les pansements.

Les complications n'ont pas tardé : déficits protéinique et hydroélectrolytiques par perte cutanée, surinfections multiples nécessitant des antibiotiques puissants, mycoses, carences, anémie....

Et toujours ces difficultés pour trouver une voie veineuse. Il a fallu la transfuser plusieurs fois.

Difficile à mobiliser, des escarres sont apparus qui ont creusés les zones d'appui de son corps de plus en plus cachectique.

 

Marcelle a fait deux arrêts cardiaques que le médecin de garde a pu rattraper.

 

Et puis tout doucement, à force de patience et de traitements corticoïdes adaptés, elle a commencé à cicatriser, les plaies progressivement se sont refermées, elle a pu recommencer à boire puis à s'alimenter.

Dans son tunnel quotidien sans jour et sans nuit, un soulagement s'est esquissé, les gémissements se sont apaisés, les écorchures se sont taries. Le petit espace par lequel elle entrevoyait la lumière s'est agrandi, le froid devint moins intense.

Les escarres se sont refermés avec l'aide de greffes de peau.

 

Enfin un jour elle a pu s'asseoir, pas longtemps mais quand même suffisament pour que tout le monde vienne voir ça et taper dans les mains. Elle n'avait plus de muscles, on l'a aidée à plier les bras et les jambes.

 

Et puis un jour elle a souri. Elle a même ri, d'un petit rire à peine sonore comme le murmure d'un ruisseau trop longtemps asséché.

 

Et puis un jour elle s'est mise debout, flageolante sur ses petites cannes osseuses.

C'est encore difficile mais aujourd'hui Marcelle marche seule.

 

Alors comme on est le 22 décembre, que c'est le week-end et que sa maman voudrait rentrer à la maison, je les ai laissées partir.

 

Joyeux Noël Marcelle.

 

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PS : La nécrolyse épidermique de Lyell est la forme majeure des toxidermies bulleuses. Elle réalise un tableau gravissime dont la prise en charge ne se conçoit théoriquement que dans un centre de réanimation dermatologique. Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec la nécrolyse épidermique staphylococcique du nourrisson ou Staphylococcal Scaled Skin Syndrom ( SSSS) dont la forme généralisée typique réalise un tableau clinique impressionnant d’enfant ébouillanté.

 

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commentaires

C
Bonjour.<br /> J'ai parcouru votre site qui m'a rapelé de bons souvenirs. J'ai adoré le Gabon. J'y ai été pilote 6 ans en 2 séjours. Au total 15 ans d'Afrique. Cela valait bien quelques romans. Ils sont visibles<br /> sur www.thebookedition.com<br /> Pour les fans d'Afrique.<br /> Cordialement Charles Flamant.
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D
Bravo à toute l'équipe de pédiatrie de l'hôpital Schweitzer qui a qui a su donné les soins nécessaires au petit corps de Marcelle. Aujourd'hui son sourire nous rappelle que c'est sa force qui a<br /> fait que cela a pu être possible. Quel beau Noël!!!
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N
C'est toujours un grand plaisir de vous lire. Depuis votre départ j'apprécie vos publications qui nous permettent de partager votre vie africaine.<br /> L'histoire de la petite Marcelle est poignante, heureusement elle se termine comme un conte de Noël. Elle doit beaucoup aux bons soins des médecins qui l'ont assistée. Que de souffrances pour une<br /> petite fille ... Merci à tous ces médecins et au personnel médical qui se dévouent pour que la santé se maintienne et s'améliore dans ce continent où il y a tellement de dangers. C'est l'occasion<br /> de vous souhaiter un très bon Noël et bientôt une excellent année 2013. Bien sincèrement, Nicole Bernhard - 972
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