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28 juin 2009 7 28 /06 /juin /2009 17:52

 

Me voici à l’hôpital Schweitzer depuis bientôt deux mois.

Le service de médecine où je travaille comprend une trentaine de lits. Deux médecins travaillent dans le service. Je remplacerai les deux successivement pendant les vacances d’été. Nous commençons le matin par le tour dans le service, visite des malades hospitalisés, puis chacun dans son bureau nous faisons des consultations pendant le reste de la matinée. L’après-midi nous revoyons les patients du matin à qui nous avons demandé des examens (biologie, radio) et effectuons des consultations pour les nouveaux arrivants. N’étant que deux, nous sommes de garde à tour de rôle la semaine et les week-ends. 

                                                                                                                                                                                                                  


          
                                                                                                                                                                        Le SIDA et la tuberculose font des ravages et nous hospitalisons quotidiennement de nouveaux cas. Avec Elisabeth, une étudiante américaine en fin d’études qui effectue un stage de trois mois à l’hôpital, nous ouvrons l’après-midi les enveloppes contenant le résultat des sérologies VIH demandées le matin. Cette loterie sordide nous remplit d’amertume et de perplexité. Deux enveloppes sur cinq reviennent avec un résultat positif aujourd’hui, c’est assez représentatif de ce que nous voyons chaque jour. Vient ensuite le temps de l’annonce au patient, moment éminemment difficile où après quelques phrases de préparation on explique la maladie, ses complications éventuelles, les examens de surveillance et le traitement qu’il faudra suivre à vie en cas d’immunodépression trop importante.

La recrudescence de tuberculose n’est pas liée au SIDA car nombreux sont les patients séronégatifs. Heureusement même si le traitement est lourd, il est encore efficace et ne dure que six mois s’il est bien suivi.

Le paludisme est également fréquent mais exceptionnellement grave chez les adultes et en deux ou trois jours de traitement, la fièvre baisse et le patient peut quitter le service. Elle peut durer plus longtemps, en particulier chez les chinois, nous en avons presque deux ou trois en permanence. Les chinois en quelques années ont envahi l’Afrique et pillent le bois de la forêt équatoriale, prospectent à tout va à coups d’explosifs à la recherche de pétrole et de minerais. On réalisera peut-être un jour les dégâts écologiques commis mais j’ai peur qu’il ne soit trop tard à ce moment là. Et l’occident qui s’est bien servi pendant des décennies est mal placé pour donner des leçons de morale et de savoir défricher aux pays émergents.

 

                    

 

Les malades et les maladies sont les témoins de la société qui les ont engendrés et à ce titre interrogent les soignants et devraient interroger les pouvoirs sur l’état de cette société. Mais ici comme ailleurs, le hiatus entre l’émergence de faits sociaux, la prise de conscience, l’analyse, et la réaction décisionnelle des sphères bureaucratiques  et politiques interpellent sur le fonctionnement et la cohérence de cette société.

Il y a vingt ans, il n’y avait pas (ou très peu) de SIDA, il y avait moins de tuberculeux, il n’y avait pas de chinois. Cela ne veut pas dire que c’était mieux avant, mais l’évolution que subi le Gabon et l’Afrique semble être une greffe monstrueuse qui pourrait épuiser son sol et son sang si elle continue dans le même sens.

 

 















L’hôpital dépend de la fondation Albert SCHWEITZER qui a des représentations partout en Europe et aux Etats-Unis. Il dispose de moyens corrects pour un hôpital de brousse mais largement inférieurs et insuffisants par rapport aux normes occidentales. C’est avec ces outils diagnostics et ces traitements limités que l’on tente de panser les plaies et de penser notre action thérapeutique. Un hôpital offert par les autrichiens a été construit à l’autre bout de Lambaréné, quasiment en brousse, au bout d’une piste défoncée et impraticable. Il attend depuis un an son ouverture. Deux gardiens veillent l’entrée. Il est paraît-il super équipé, mais aucun budget de fonctionnement ne semble avoir encore été mis en place et sous le climat équatorial, au bout d’un an, il y a fort à parier que nombres d’équipements seront inutilisables ou dégradés. J’aimerais qu’on me présente celui qui a signé le bon de commande …..

 

 

De par sa vocation cosmopolite, de nombreuses nations sont représentées à l’hôpital Schweitzer. Le personnel infirmier est en majorité gabonais mais Cora, espagnole, et Elisabeth, suisse, viennent en mission pour quelques mois. Les médecins résidents, gabonais mais aussi togolais, béninois cohabitent avec des expatriés venus pour quelques mois ou quelques années. Deux étudiantes américaines sont là pour trois mois. Quelques étudiants gabonais sont également en stage dans le secteur administratif.

 

 

 

L’URM, centre de recherches dépendant d’université allemande et autrichienne, accueille de nombreux médecins et étudiants venus d’Europe pour effectuer des études sur le paludisme ( vaccins, traitements) mais aussi sur d’autres pathologies tropicales ( ulcère de Buruli, etc). C’est ce centre, très moderne, qui nous permet la connexion internet dans sa bibliothèque.

Avec une partie d’entre eux nous allons voir ce soir la finale de ligue des champions Barcelone-Manchester dans un bar en « ville ». Nous sommes une bonne dizaine au milieu d’autres tablées gabonaises à encourager le Barça , notre bouteille de Régab à la main. La télévision est minuscule mais l’ambiance est là et si l’on a du mal à suivre le détail de toutes les actions, on se concentre sur notre assiette de bananes-brochettes et chacun y va de son commentaire. L’orage éclate, avec le son de la télé et le bruit de la pluie, le niveau sonore augmente. On parle anglais, allemand et parfois français. Le match est déjà fini depuis un bon moment, je ramène tout le monde dans mon taxi-brousse.

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commentaires

J
Super ton site !! Non, nous n'avons pas de crampes aux orteils, mais plutôt aux mains avec la pêche aux gros.Nous avons retrouvé Mayotte l'Africaine avec un immense plaisir, j'ai repris un poste à temps complet et cela ne me pèse pas du tout.Beaucoup de choses restent à faire avec les espoirs les désespoirs qui vont avec surtout au niveau des clandestins qui arrivent des Comores sans arrêt et nous avons beaucoup d'élèves dans des situations catastrophiques , vivant en permanence dans l'appréhension de se faire prendre par la police de l'air et des frontières.Nous essayons d'aider au maximum mais ce n'est pas évident car nous sommes passibles d'amendes, voire d'expulsion par le rectorat et comme Mayotte est en pleine marche de départementalisation, il vaut mieux brosser la bête dans le sens du poil !!!!! Nos santés sont bonnes,la plupart du temps en mer, en fait, on n'avait qu'une hâte, revenir sur ce petit bout d'Afrique pour lequel on avait eu le coup de foudre.Nous irons quelques jours en Martinique l'été prochain, peut-être nous y verrons nous.Portes toi bien et je trouve super que tu réalises tes projets tout comme nous réalisons les notres. Si tes pas te portes vers le Kenya, nous sommes tout près. Bises
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G
Salut Crocodile Dundee!<br /> Sympa ton site qui nous permet d'avoir de tes nouvelles et de suivre tes aventures.<br /> De notre côté l'aventure se poursuit à Mayotte, ici aussi on a le sentiment de se retrouver en Afrique, tant il y a à faire.<br /> <br /> Bonne route, bonne continuation et bravo!<br /> <br /> GG
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M
<br /> <br /> Salut Gérard, réponse tardive mais vieux motard que jamais. Cette halte a Schweitzer est un vrai bonheur. Je suis en train de réfléchir à la suite de mon parcours en fonction de la saison des<br /> pluies qui arrive.<br /> Pas trop de crampes aux orteils à Mayotte ?<br /> PROFITEZ DE LA VIE<br /> <br /> <br /> <br />
M
Coucou Arnaud <br /> cela me fait plaisir de te voir même en photo<br /> je crois que Ninon t'a rejoint<br /> j espère que vous allez tous bien je vousembrasse
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